Sylvie Fontaine
La pandémie mondiale (COVID-19) a des conséquences sur l’enseignement post-secondaire qui sera largement offert en ligne à l’automne 2020. Ce contexte sans précédent d’enseignement et d’évaluation en ligne n’est pas exempt de défis. Parmi ceux-ci, deux retiennent notre attention. Le premier concerne le risque que les professeurs, soucieux de bien évaluer leurs étudiants, exigent plus d’activités d’évaluation que ce qu’ils demandent habituellement. En effet, il appert que « La multiplication des évaluations a été constatée en contexte d’évaluation en ligne, d’où le risque de surcharge de travail pour le personnel et le ressentiment des étudiants. » (Nizet, Leroux, Deaudelin, Béland et Goulet, 2016, p.3). Deuxièmement, selon Detroz, Malay et Crahay (2020, p.104), le contexte de pandémie actuel pourrait faire en sorte que les étudiants auront « plus de difficultés pour obtenir de l’information informelle auprès des enseignants ou des pairs » ce qui pourrait limiter leur compréhension des attentes concernant les tâches d’évaluation. La combinaison de ces deux défis mérite qu’on s’y attarde.
Nombre de tâches d’évaluation versus variété des tâches
Le nombre de tâches d’évaluation ne devrait pas augmenter parce que le cours est offert en ligne. Les risques de surcharge de travail sont très réels pour les professeurs qui, non seulement devront consacrer plus de temps à la préparation de leurs cours en ligne, mais également à la correction des travaux et à la rétroaction aux étudiants. Si tous les professeurs d’un même programme adoptent cette pratique, les étudiants seront rapidement submergés par la quantité de tâches évaluatives ce qui pourrait contribuer à diminuer leur motivation et peut-être même les inciter à la tricherie (Ellahi et al., 2013).
En fait, tout comme c’est le cas pour un cours en présentiel, le choix des tâches doit s’inscrire en cohérence avec les objectifs du cours. Ainsi, il n’est peut-être pas souhaitable de se limiter à exiger uniquement des travaux écrits qui seront déposés par les étudiants sur le site du cours si les objectifs du cours font appel à une variété de compétences. Dans une étude réalisée auprès d’intervenants impliqués dans l’enseignement en ligne à l’Université de Sherbrooke, Nizet et ses collègues (2016) ont identifié cinq méthodes d’évaluation adoptées à un degré variable par les professeurs pour l’enseignement en ligne : 1) quiz et examens (5 %); 2) travaux écrits (18,5 %); 3) démonstration de compétences (61,5 %); 4) participation (5 %); 5) collaboration (10 %). Dans la catégorie démonstration de compétences on retrouve des tâches telles que les études de cas, les présentations, les simulations, les projets, etc. Les travaux écrits incluent l’analyse de textes, les questions à développement, les synthèses, les tableaux à remplir, etc. Des activités de participation telles que les forums de discussion ou les foires aux questions sont aussi proposées aux étudiants de même que des tâches de collaboration de type ateliers, travail en équipe, coévaluation, etc. Une mise en garde émerge de cette étude : quelles que soient les tâches d’évaluation qui seront retenues, « La clarté des messages adressés aux étudiants est selon plusieurs participants un enjeu essentiel de la communication non présentielle. » (Nizet et al., 2016, p.18)
Des consignes claires pour une meilleure communication
Que l’enseignement soit réalisé en présentiel ou en ligne, les tâches d’évaluation doivent être accompagnées de consignes claires et précises pour bien guider les étudiants au regard des exigences de chacune. Dans un contexte d’enseignement en ligne, la clarté et l’exhaustivité des consignes prennent encore plus d’importance puisque la relation entre le professeur et ses étudiants n’est peut-être pas aussi aisée à établir et que le degré d’interaction pourrait être moindre entre professeur-étudiants et entre étudiants-étudiants.
Ainsi, il est suggéré de formuler les consignes en respectant le principe de transparence qui s’opérationnalise dans l’exhaustivité et dans la clarté des consignes. Il faut donc fournir à l’étudiant tous les éléments dont il aura besoin pour réaliser la tâche demandée. Par exemple, l’étudiant doit-il intégrer des graphiques à son travail? Combien d’articles sont nécessaires pour rédiger la synthèse? Ces articles doivent-ils être scientifiques, récents? Cette information doit faire partie des consignes. La clarté des consignes est aussi essentielle et en ce sens, Gérard et Roegiers (2009) insistent sur le fait que la difficulté pour l’étudiant de réaliser la tâche demandée devrait être liée à l’absence de compétence et non pas à une incompréhension des consignes. Detroz et ses collègues (2020, p. 104) abondent dans le même sens en précisant que « Pour les productions longues (travaux, portfolios, cartes conceptuelles …) asynchrones, il est recommandé de mettre beaucoup de soin et de rigueur pour préciser les consignes. » J’ajouterais de plus que dans un contexte de tâches d’évaluation synchrones, les consignes doivent aussi être claires et exhaustives. L’utilisation d’un vocabulaire simple, de phrases courtes et claires pour formuler les consignes est souhaitable. Puisant dans les travaux de Zakhartchouk (1999, 2004), Leblanc et Guillemette (2014) définissent quatre types de consignes. Les consignes pour préciser la tâche à réaliser (consignes-buts), les consignes sur la façon de faire (consignes-procédures), les consignes pour faire ressortir certaines spécificités de la tâche (consigne de guidage) et les consignes qui viennent préciser les critères d’évaluation (consignes-critères) en lien avec les exigences du professeur. Bien souvent dans les tâches d’évaluation, toutes ces consignes s’appliquent. Les efforts consentis pour s’assurer de présenter des consignes claires et exhaustives ont un objectif commun soit, « de placer l’apprenant dans les meilleures conditions possibles pour accomplir une tâche. » (Laforge, 2001, p. 156)
Detroz, P., Malay, L., et Crahay, V. (2020). Une démarche structurée pour définir quelques conseils en vue de limité l’impact de la pandmie sur l’évaluation de nos étudiants. Évaluer. Journal international de recherche en éducation et formation. Numéro Hors-série, 1, 97-110.
Gérard, F.-M. et Roegiers, X. (2009). La rédaction des consignes dans Des manuels scolaire pour apprendre : Concevoir, évaluer, utiliser. Belgique : De Boeck Supérieur, p. 274-278.
Laforge Claude. Les consignes dans l’enseignement à distance : difficultés de compréhension liées à la présence de négations. In: Pratiques : linguistique, littérature, didactique, n°111-112, 2001. Les consignes dans et hors l’école. pp. 151-178.
DOI : https://doi.org/10.3406/prati.2001.2429
Leblanc, C. et Guillemette, F. (2014). Consignes claires : travail réussi! Le tableau, 3(2).
Nizet, I., Leroux, J. L., Deaudelin, C., Béland, S. et Goulet, J. (2016). Bilan de pratiques évaluatives des apprentissages à distance en contexte de formation universitaire. Revue internationale de pédagogie et de l’enseignement supérieur, 32(2).
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